LE VIEIL HOMME

A l'ombre d'un grand chêne
retiré du monde , de ses peines ,
prés d'un petit pont de pierres
au reflet dansant dans la rivière,
un vieil homme sur un banc,
les mains sur sa canne,
regarde glisser le temps,
au bord de sa vie qui se fane.
Les yeux délavés d'avoir trop vu ,
le coeur usé d'avoir trop vécu,
il attend sans impatience,
l'heure de l'ultime expérience.
Dans l'air tiède du matin
depuis le village tout proche
la petite musique d'une cloche,
un signe pour un autre lendemain .

PERDIDA

Tous mes espoirs
mes rêves dorés
sur le tableau noir
du destin , effacés .
Des norias de soleil
dans le bleu du ciel
lumières d'ambre
d'un cœur qui tremble.
Un regard d'enfant ,
dans les sables mouvants
d'une réalité cruelle,
mais pourtant si belle.
Dentelles de lumières
derrière les yeux humides,
noyés de dérisoires prières ,
d'une âme trop limpide.
Sur le velours de la nuit
d'une existence si brève ,
une étoile s'est enfuie
loin de ce monde qui crève .

LES VALERIANES


Les valérianes au bord des chemins
larmes de pourpres du destin,
les valérianes sur les talus ,
jolies fleurs des coeurs perdus.
Du bord de la voie ferrée ,
au temps des machines a vapeur,
du vacarme de leurs sifflets
qui ne faisait même pas peur,
un petit garçon solitaire ,
a l'abri des quolibets,
en a fait un  bouquet
pour l'offrir a sa mère .
Endormi prés de la douce présence,
ses valérianes rendront pour un soir,
dans cette cité toute de noir,
a sa mère un peu d'espérance.

REVERIES

Comme des feuilles mortes emportées par le vent
ses notes de musiques volent au creux de mon âme,
moments de douce mélancolie, d'apaisement ,
où le noir immonde enfin, dépose les armes. 
Comme une éclaboussure de perles de rosée,
sa voix cristalline ruisselle sur mon coeur,
en cascades de gouttelettes de bonheur,
comble les béances de mes rêves brisés.
Son regard qui ne semble que me voir,
transperce un a un tous ces vilains miroirs,
pénètre au bout de toutes mes vies,
allume et ranime mes espérances,mes envies .
Sur les vagues de l'océan de ses mots ,
dans le fragile esquif emportant mon esprit,
j'atteins enfin a cet ultime et grand repos,
aux rives de son être , asile où tout finit .

LA MARIONNETTE
 
Au fond d'un infâme bouge,
abandonnée sur une banquette
dans sa petite robe rouge,
pleure une marionnette .
Petit tas de chiffons triste,
oubliée de son marionnettiste,
rejetée du rêve d'un enfant
ses petits bras ouverts en grand.
Derrière les regards blafards
de ces êtres misérables,
peuplant ce vilain bar
de leurs destinées minables,
une petite fille sans avenir
s'est approchée de la pauvrette,
l'a prise dans ses mains , et d'un sourire,
a séché ses pleurs de midinette .
Avec patience ,tout en câlins
et quelques gestes malhabiles,
elle a démêlé tous les fils
de sa vie de petit pantin .
Ses grands yeux miroir
dans ceux de la fillette ,
comme un reflet d'espoir
de son âme de marionnette.
Tout au fond de ce bouge infâme
a l'abri des regards ,des moqueries
deux petits bouts de femmes,
ont retrouvé un peu de joie et de vie.

SOUVENIRS

Sur l'arbre de mes souvenirs,
des noms , des images,
des brumes de visages ,
des murmures,des soupirs.
Autant de feuilles mortes
envolées au vent de la vie
qui les prend , les emporte
loin de mon coeur meurtri.
Un tapis de regrets
recouvre ma mémoire
jonché de faux espoirs
de rêves perdus, inachevés .
Passent les jours,les années ,
les étoiles dans mon ciel ,
sous mes pas égarés ,
plus rien ne m'émerveille.

CHALEUR

La neige en gros flocons 
enveloppe le vieux chalet,
d'un douillet cocon 
de calme , de volupté.
La cheminée où dansent
les flammes qui lancent
des reflets dans ses yeux,
envie de nouveaux jeux .
Son regard couleur d'ambre
où brille d'autres feux ,
et son corps qui se cambre,
récompense des dieux .
Baigné de chaleur,
prés de l'âtre brûlant
j'écoute battre son coeur,
dans son souffle haletant .
Une chevelure d'or
dévoile une épaule ,
ma bouche supplie encore
dans ses bras qui me frôlent.
Seuls au monde enfin ,
dans cette oasis du temps ,
au bout de mon destin
s'envolent mes derniers tourments .